des souris et des hommes ... le risque médicamenteux

 

Quelques mots, non pas sur le Médiator, mais sur les effets indésirables médicamenteux en général.

Je suis pharmacien depuis 24 ans, j'ai travaillé 16 ans à l'hôpital jusqu’en octobre 2009, j’ai fait partie des lecteurs émérites de la Revue Prescrire de 1999 à 2008, résultat d’un travail de lecture active et assidue de cette revue exceptionnelle, qui aujourd’hui enfin trouve la reconnaissance publique qu’elle mérite pour sa rigueur scientifique et la qualité de son travail.

J’ai vécu le quotidien hospitalier, j’ai perdu des êtres chers, mal diagnostiqués, mal soignés, sur-médiqués à tord et à travers. Maltraités. Tout comme les animaux de laboratoire, massacrés tous les jours pour les « progrès de la science ».
J’ai vu les professionnels de santé, notamment hospitaliers, être de plus en plus épuisés, frustrés, dans une routine déshumanisée, envahis par des exigences bureaucratiques bien éloignées des espérances de leur vocation..
J’ai entendu les communications de l’industrie pharmaceutique, engagée dans un modèle économique qui fait que plus on est malades plus elle est bien portante. Même si elle voulait traduire en actes ses grands discours éthiques, le pourrait-elle sans mettre en jeu sa survie ?

Toutes ces prises de conscience dans le concret du quotidien et d'un engagement professionnel qui a été fort, font qu'aujourd'hui je finalise ma reconversion vers la naturopathie vitaliste.

Que dire du Médiator ?... Ma première réaction au début de l' « affaire » : pourquoi cela fait-il tant de bruit alors que d'habitude on a le droit de mourir d'effet indésirable médicamenteux dans le plus grand silence, bien que les choses soient connues de longue date ? (* cf annotation en bas de texte)

Cette médiatisation du risque inhérent à toute thérapeutique et des failles dans le système d’autorisation de mise sur le marché et de remboursement est une bonne nouvelle pour l’évolution de la société et le respect de la vie, même si l'hypocrisie de certains décideurs m’est difficile à supporter face aux souffrances des individus et des familles, et si la naïveté des consommateurs me semble parfois assez consternante. Eduquons, éduquons !…
Les réactions de surprise de quelques professionnels de santé me semblent elles aussi préoccupantes : refoulement ? sentiment de culpabilité ? absence de lucidité et de recul dans un quotidien déconnecté des valeurs humaines ?
Mais aussi une grande déficience dans la formation initiale et continue des médecins en matière de thérapeutique. Et tant que l’on comptera sur l’industrie pharmaceutique pour « former » les médecins, il ne faudra pas espérer d’amélioration sur ce plan.
Que dire aussi de la mauvaise coordination des soins entre les professionnels de santé conventionnels et/ou complémentaires, des prises de pouvoir sur « son » patient, des incidents ou retards par communications négligées, orgueils mal placés, convictions non assumées ? Ce sont autant de pertes de chance pour les patients, et pour l’évolution globale du système.

Tant que le système de SANTE reposera sur la MALADIE il me semble que nous passerons à côté de l’essentiel.

« Primum non nocere » : d’abord ne pas nuire … Hippocrate doit guider tout professionnel de santé, quelle que soit sa discipline, à chaque instant et en tous lieux.
Il nous dit aussi : « La force qui est en nous est notre plus grand médecin ».

Soyons conscients, vigilants, solidaires et responsables.

Béatrice Degez


A lire dans La Revue Prescrire : Lien vers un article de la Revue Prescrire sur le Mediator
 

(*) Dès les années 90 on citait les ordres de grandeur suivants.

La prévalence des effets indésirables médicamenteux chez les patients hospitalisés est de l’ordre de 10%, il s’agit d’effets graves dans un tiers des cas.

Un tiers à la moitié des effets indésirables médicamenteux sont évitables, ils sont imputables à une erreur de prescription avec mauvaise prise en compte des caractéristiques propres du patient dans de nombreux cas. Ils sont aussi pour une bonne part imputables au système (retranscription, dispensation, préparation, administration, …).

Plus récemment, l’académie nationale de pharmacie a révélé dans une étude qu’un quart des administrations de médicaments pédiatriques à l’hôpital sont sources d’erreurs.

La Société Française d’Anesthésie Réanimation  a publié qu’une anesthésie sur 130 à 900 (selon les études) est source d’erreur médicamenteuse.